Mise en lumière des talents du réseau des Anciens de Gay-Lu : portraits de personnalités, parcours d’anciens élèves ou enseignants du Lycée Gay-Lussac, valorisation d’initiatives remarquables, annonces de distinctions, présentation de projets portés par des membres du réseau, qu’ils soient élèves, personnels du Lycée, anciens, ou partenaires.

Bonjour à vous tous, anciens (ou actuels) élèves et agents du Lycée Gay-Lussac de Limoges, et amis, sympathisants du réseau.

Je suis Pierre Quillat-Ménoret ; j’ai suivi toutes mes études secondaires dans notre cher bahut Gay-Lussac, de 1960 (6e A6-M1) à 1969 (Term. A2). Et comme le lieu me plaisait, j’y suis revenu, un an plus tard, comme « pion »… Toujours attaché à cet établissement dans lequel j’ai fait toute ma scolarité,  j’ai rejoint il y a quelques années l’association des Anciens de Gay-Lu.

Aujourd’hui je suis bénévole aux Restos du Cœur de la Haute-Vienne, où j’exerce plusieurs missions. C’est à ce titre que je m’adresse à vous.

En 1985 en créant son œuvre, Coluche disait « on compte sur vous ».

Aujourd’hui au nom des Restos du Cœur, je vous dis « on a besoin de vous ».

Nous recherchons des bénévoles afin d’assurer pleinement et correctement le fonctionnement des 18 centres ouverts en Haute-Vienne.

Comme les Restos ne se limitent pas à l’aide alimentaire, nous manquons de bénévoles dans toutes les activités que nous offrons, gratuitement, aux personnes accueillies :

  • distribution de denrées, de vêtements,
  • cours de français, et d’informatique,
  • conseils budgétaires et micro-crédit,
  • soutien à la recherche de logement, d’emploi,
  • accès aux droits et à la justice, à la santé, à la culture et aux loisirs (cinéma, départ en vacances),
  • nous avons même une coiffeuse !

Ainsi que pour toutes les missions liées au fonctionnement de l’association :

  • équipe de gestion,
  • formateurs,
  • manutentionnaires et chauffeurs pour assurer les collectes et la livraison des produits,

Alors venez nous rejoindre, un peu, beaucoup, passionnément…
Prenez rendez-vous au 06.66.72.14.09 ou écrivez à ad87.benevolat[@]restosducoeur.org

Merci à vous !

 

Plus d’information sur le site internet des Restos du Cœur de la Haute-Vienne

Alors que les Mémoires du comédien anglais George Sanders viennent d’être rééditées dans notre langue, Romain Artiguebère revient sur la carrière de cette élégante « fripouille » du 7ème art, dont le talent est toujours célébré dans les ciné-clubs de la capitale.

Rares sont aujourd’hui les salles obscures à offrir le dandysme British et la cynique espièglerie de George Sanders, héros discret de l’apogée hollywoodienne emporté par la vilénie et la méchanceté légères dans lesquelles tant de réalisateurs l’emprisonnèrent. C’est qu’il est dur de sortir de sa propre caricature, de s’affranchir du jeu d’acteur, sorte de seconde peau que l’on se forge et qu’on nous colle sans que l’on puisse en dire un mot ! Né en Russie puis exilé lorsque les troubles de la Révolution firent trembler Moscou, celui qui obtint l’Oscar du meilleur Second Rôle en 1951 pour All about Eve comprit rapidement l’enfer pavé de bonnes intentions que le 7ème Art ouvre aux « types », c’est-à-dire à ces comédiens happés par le système et dont les traits sont « irrévocablement et définitivement moulés », comme que le furent les siens dans « l’expression d’élégante scélératesse » que la postérité accole notamment à Vacances en Italie, où il campe un mari distant, méprisant et détaché au grand dam d’Ingrid Bergman que les charmes mortuaires de Pompéi rendront peu à peu à la vie.

Sanders fut aussi une voix – en l’occurrence un baryton, venu au Cinéma par l’entremise de ses prouesses vocales – et bien sûr un corps, une présence raffinée aujourd’hui regrettée dans l’ère du vulgaire et qui fit de certains rôles secondaires les supports essentiels du « grand tout ». Ainsi crève-t-il toujours l’écran du haut de ses sentences, de ses airs suffisants et de ses manières de fripouille aristo. Dans Rebecca, le voilà presque spectral, intrigant de passer sur l’écran tel un diable au sourire dérangeant. Et que dire de sa contribution aux Contrebandiers du Moonfleet, l’un des plus gros budgets alloués à une fiction hollywoodienne et qui marqua l’Histoire des salles obscures tant il permit le retour de Fritz Lang à la MGM avant que le réalisateur ne conspue sa propre œuvre. Peut-être Sanders comprit-il très vite la difficulté de rester au sommet, car peu à peu sa carrière sombra dans les « nanars » assumés que l’on accepte par devoir.

Aux lecteurs intéressés, je dis qu’il faut traîner ses guêtres un dimanche pluvieux aux abords du boulevard Saint Germain, à la Filmo du Quartier latin, rue Champollion, au Grand Action ou au Christine pour distinguer le sourire narquois de l’Anglais, cette prestance et cette allure présents dans près de 130 films étalés sur quatre décennies. Comme la reine récemment disparue, Sanders fut un roc sur lequel prospérèrent des générations de comédiens. Éclectique et sans rupture, sa carrière fut assurément celle d’un grand qui croisa d’autres géants. Outre Bergman, il côtoya Warner Baxter (Oscar 1929), l’éternel Robin des Bois Richard Greene, Joan Fontaine, la plus célèbre des gouvernantes Judith Anderson, mais aussi Gene Tierney et Maureen O’Hara dans Le Cygne noir, où le plus avisé des cinéphiles aurait du mal à retrouver le dandy de la perfide Albion sous son épaisse barbe de corsaire. Sanders fut aussi l’un des meilleurs appâts des réalisateurs assoiffés de succès. Preminger, Mankiewicz, Duvivier, Hitchcock mais aussi Henry King, Cukor ou Jean Renoir le firent tourner. Et les Français purent aussi apprécier sa maîtrise des classiques de notre Littérature adaptée lorsqu’il campa le Duroy de Maupassant sous la direction d’Albert Lewin en 1947.

Celui qui naquit « dans un monde appelé à disparaître » eut une ultime élégance mortuaire en choisissant sa fin et l’enveloppe de la tragédie anticipée. Mélancolique et dépressif, Sanders quitta la scène avec la plus belle des épitaphes : « Je m’en vais parce que je m’ennuie. Je sens que j’ai vécu suffisamment longtemps. Je vous abandonne à vos soucis dans cette charmante fosse d’aisance. Bon courage ». Même dans sa mort il mit une élégance d’acteur.

 

Quatre-vingt-dix ans après la traduction de « Sanctuaire », qui révéla Faulkner en France, Romain Artiguebère nous livre une analyse de l’écrivain, romancier de la trace, de la sensation et surtout de l’héritage. Sise dans la terre fendue – et surtout fictive – du comté de Yaknapatawpha, cette œuvre magistrale a dépassé l’indécente assignation à résidence que certains cherchèrent à lui appliquer, renvoyant ce bout d’Universel à une Littérature locale bien éloignée de sa nature première. A travers Faulkner, une part de l’Homme se révèle, dans sa misère d’héritier, son épaisseur tragique de mémoire vive, de bois vivant et perpétué, toujours mu par la sève originelle ».

« Je n’écris pas pour dire ce que je pense, mais pour le savoir ». Sans doute est-ce mon courant de conscience qui me conduit à associer cette phrase d’Emmanuel Berl à l’œuvre de Faulkner, à son acte d’écrire le Sud meurtri d’une Guerre sans âge, celle de la Sécession, terrible trace qui ne disparaît pas, comme l’atavisme des Compson, des Sartoris ardents et des Snopes traînants, la honte active, tenace et lasse d’une terre qui ne ment pas, la résilience d’un feu sans armistice.

Ecrire dans la moiteur des fiefs de Lee, donner à voir ce Mississippi où l’on lynche à l’appel d’un slogan, où l’on remet le destin de comtés centenaires aux Vardam et Bilbo, ces potentats locaux qui tinrent sous leur férule confédérée, sous le joug démocrate au discours enfiévré, le destin d’une Amérique arrachée de ses fondations et privée pendant quatre ans de ses mamelles philadelphiennes. Comprendre les lignées bouleversées par l’angoisse de n’être plus qu’un nom effacé par le Temps. Tels sont sans doute les sensations et les effets que l’œuvre faulknérienne procure au lecteur, une œuvre dont le style est à lui seul un paradoxe extraordinaire, comme la transcription naturelle d’une oralité, d’un « chant » populaire si bien travaillé qu’il est devenu la prose des Hommes défaits.

Faulkner fut un brûleur, cavalier frénétique, aviateur tumultueux, ivrogne invétéré dans cet « Etat du Magnolia » où coulent toujours Bourbon, liqueurs chaudes comme le Sang et bien sûr Salsepareille. C’était aussi un Homme discret, un de ces génies calmes habités d’un bon sens qui diminue parfois mais qui chez lui nourrit une œuvre à l’abondance fluviale, coulant dans Jefferson, aux pieds des caroubiers de Yaknapatawpha. Une œuvre complexe au Style alambiqué, entremêlé parfois comme les affres intérieures de l’héritier. Une œuvre épaisse, ardue, exigeante et prolixe. Un corpus épatant qui valut à la plume de Lafayette – pardon pour ces surnoms qu’il vouait aux gémonies de la vulgarité – l’obtention d’un Nobel en 1950, après un an de rumeurs folles, dans le fatras lassant des hésitations de jurés qui souhaitèrent le lui attribuer en 1949.

Cette œuvre est celle de la marque et du stigmate, celle de la trace qui ne part pas, de la souillure et des lignées dont ne se départit vraiment jamais. Elle est aussi celle des patronymes, des allégeances à la Pensée commune d’un terroir qu’on ne quitte pas plus que la relève d’une communauté, la horde des « Junior », n’abandonnerait un nom sans lequel on ne peut être.

La famille Sartoris forge une grande part de l’œuvre générale. Elle est un patronyme récurrent, courroie de transmission du message faulknérien. C’est une lignée battue par les vents du chaos et dont tous les membres sont frappés de morts prématurées. Comme les Rougon, Macquart, Thibault ou Buddenbrook, elle garnit les tombereaux d’anthroponymes élevés en archétypes, de noms que l’on dit propres et qui marquent un espace, épaississent un écrit grâce à eux élevé en référence. Dans L’Invaincu, roman de formation qui détermine cette lignée des Sartoris, Bayard instille, dans sa propre famille, la faute et le péché en désirant l’interdit au cœur de la Guerre, c’est-à-dire la propre femme de son père. Ainsi retrouve-t-on là un peu de cette charge honteuse qui fit le sel de Radiguet dans son Diable au corps, l’intrusion d’un front immatériel dans « l’arrière » protégé des combats. Car l’attirance incestueuse du jeune Bayard pour Drusilla ne révèle pas seulement la matrice du Faulknérisme, elle est la personnalisation d’un tabou, l’exposition d’un mal si puissant d’être tu.

Un génie qui s’ignora toujours

Il semble que Faulkner n’ait pas vraiment compris l’origine de sa destinée. Sans doute est-ce là le succulent paradoxe du romancier de l’indice et de l’hérédité, capteur du trait qui détermine, du geste qui confond, de toutes les extensions du domaine de l’anatomie, sculpteur d’identités, de clans gorgés de souvenirs familiaux, d’une Mémoire de comtés.

Pour son biographe Frederick R. Karl, Faulkner « contredit presque systématiquement ce dont il s’est nourri », une assertion qui nous éclaire lorsqu’on songe aux rapports que l’auteur entretenait avec le Sud. Il est difficile d’établir la nature d’un lien qui, de toute manière, harnache et détermine comme un nom, porté avec la fierté nécessaire que la circonstance mue en charge patronymique. Ce Sud, Faulkner le révère-t-il ou le stigmatise-t-il ? La même ambivalence nous enserre dès lors qu’on s’interroge sur la question raciale. Et ce fut à l’occasion d’une rencontre avec l’écrivain Mohammed Mbougar Sarr, formidable « globetrotteur » littéraire « si souvent passé par l’Amérique et les vieilles terres confédérées », qu’a jailli devant mois l’Institution faulknérienne, la statue de Légende que le Goncourt 2021 qualifia « d’essentielle », c’est-à-dire de recours dans ce qui constitue, à certains égards, le grand mensonge du monde étasunien.

Et c’est sans doute ce goût du Vrai, la révélation d’une Gloire déchue maintenue par la réminiscence, qui constitue le nœud gordien du roman faulknérien. Car, comme le soulignait à raison Heidegger, « l’art est un advenir de la vérité ». Et c’est précisément devant cet art que l’auteur s’est effacé, comme un père éclipsé par son fils continuateur de la lignée. Il l’a fait intégralement, c’est-à-dire jusque dans son épitaphe, choisie par lui avec une insolence de trompe-la-mort, une assurance qui dit beaucoup de la grandeur morale du personnage : « il fit des livres et il mourut ». L’éternel et la postérité n’ont qu’à bien se tenir. Et il n’est pas nécessaire de s’intéresser à l’Histoire de l’Amérique pour apprécier un « style » certes parfois tortueux mais toujours poussé par le souvenir de la fierté passée, un souvenir tenace et résolu de l’extrême Sud étasunien par trop conscient de son déclin. Le comté fictif de Faulkner est en effet comme ces fauves blessés qui bougent encore, l’animal tiraillé par l’abandon et le sursaut, rugissant dans son baroud d’honneur, le résidu actif et las, capitulard et résistant, d’un monde éternel et pourtant finissant, celui des petits Blancs du Sud profond qui ne cesse pas d’expirer.

A Yaknapatawpha sommeille la Vérité fragile des lignées confédérées, où chaque mort est une étape de plus vers l’amoindrissement du Souvenir, fardeau libérateur qui choit à moins qu’on ne l’exerce.

Lire la suite

Tout l’été, les panoramas du Limousin se dévoilent sur France Bleu ! Dans la foulée de la publication de deux ouvrages aux éditions Mon Limousin (101 panoramas et points de vue en Limousin, tome 1 : Creuse et Haute-Vienne ; tome 2 : Corrèze), Lucas Destrem est au micro de Véronique Henry pour explorer une sélection de 40 lieux depuis lesquels la vue s’ouvre plus ou moins largement sur les paysages du Limousin.

Ces chroniques sont diffusées du 3 juillet au 1er septembre, chaque jour sur France Bleu Limousin (9h15 et 16h) et sur France Bleu Creuse (16h), et disponibles en réécoute en ligne.

Ecoutez en ligne les Panoramas du Limousin avec Lucas Destrem sur France Bleu Limousin !

En quelques minutes, nous partons à la découverte d’un point haut, d’un panorama connu ou plus secret en Corrèze, Creuse ou Haute-Vienne. : ici une balade, là une anecdote, ou encore une lecture de paysage.

Que le panorama soit large, à 360 degrés, ou réduit à un plus discret cône de vue, c’est dans ces sites, des crêtes de Toulx aux gorges de la Dordogne, des terrasses de Tulle ou de Limoges aux étangs marchois, que se cristallise un peu de l’identité paysagère du Limousin, plurielle et mouvante. Fréquenter ces lieux, c’est aussi, indirectement, en exiger l’entretien, au bénéfice d’un tourisme de contemplation, tranquille et durable !

De ces belles balades estivales dans ce Limousin, cher à nos cœurs.

Certains élèves se demandent comment agir dans leur lycée. A leur niveau, c’est avant tout s’informer sur la vie lycéenne, voire s’impliquer dans le CVL Conseil de vie Lycéenne ou la Maison des Lycéens par exemple. Pour certains, au lycée Gay-Lussac de Limoges, cela s’est concrétisé par la création d’un journal lycéen « Le Gay-Lu Times ». Après un « teasing » en vidéo, Emma et Maxime, membres engagés de l’équipe de rédaction actuelle nous livrent ici quelques secrets des origines de cette publication que l’on espère pérenne.  

Aux origines du Gay-Lu Times

Le Gay-Lussac (Revue des Sciences) de 1891

Comme le dirait Edgar Morin « La vraie nouveauté naît toujours dans le retour aux sources« . Cela n’est pas s’en faire écho à la création du Gay-Lu Times.

Eh oui ! En 1978, les élèves de Seconde de la classe A1, chaperonnés par leur enseignant, avaient déjà voulu doter le lycée d’un journal, sous le nom du « Détecteur ». Les écrits parus visaient surtout à partager des contenus comiques sur la vie du lycée et de Limoges, bien que certains sujets choisis puissent également être d’un ordre sérieux. Pour « s’opposer » amicalement à ce journal, une autre revue s’était formée au sein même du lycée, le « Détracteur ». Mais suite à quelques changements, le « Détracteur » est vite devenu « L’Écho du cancre », entrant toujours en concurrence directe avec le premier. Ces rivalités entre journaux existent depuis l’apparition du lycée en 1631.

Si aujourd’hui le lycée Gay-Lussac ne possède qu’un seul journal, il a toutefois su perdurer dans le temps depuis qu’en 2020, des élèves motivés l’ont remis au goût du jour !

C’est ainsi dans ce souci de marcher dans les pas de nos « ancêtres » ; de ces « grands », que l’idée de mettre sur pied un journal est venue, avec pour fil d’Arianne, la volonté d’offrir une noble nourriture intellectuelle au plus grand nombre. Mais avant de nous atteler à une telle tâche, il fallait apprendre à marcher avant de courir. Car, pendant que le souvenir du bulletin « J’ai lu ça » persistait dans certains esprits, il n’en demeure pas moins qu’un tel lycée comme celui de Gay-Lussac avait depuis quelques années, divorcé avec le monde journalistique. Combien d’élèves, journalistes en devenir ou ayant connu la simple joie des périodiques de collège, se trouvaient déconcertés, presque stupéfaits, de ne pouvoir continuer d’alimenter leur soif de connaissance ; leur goût du partage ; et plus que tout, leur passion pour l’information et l’écriture.

Aussi, tel est ce credo que l’ancienne élève de Première, Juliette Machinaud, a voulu voir réapparaître ; a voulu pérenne. L’idée de donner naissance au présent Gay-Lu Times, dont le 3e anniversaire a été célébré le 23 mars, s’est donc en toute logique imposée à elle. Et à l’instar de la grande presse américaine, c’est à l’unanimité que ce journal, descendant d’une grande lignée de médias lycéens, fut baptisé « Gay-Lu Times ».

Les démarches administratives, les formalités et autres « paperasses », comme il est coutume de l’entendre dans le jargon, pouvaient enfin débuter. Heureusement, avec l’aide apportée par l’équipe des documentalistes, mais aussi par l’Association des Anciens Élèves de Gay-Lussac, celles-ci ont été facilitées et le Gay-Lu Times a connu sa propre « success story » qui n’en finit pas de grandir ; qui redouble d’intensité à chaque partenariat noué. Et dans cette optique d’une montée en flèche, le soutien est également venu d’autres médias limougeauds, véritable entraide fraternelle dans cette grande famille qu’est la presse, et où nous avons pu compter sur l’appui du Populaire, de France Bleu, de NRJ, ou encore de France 3.

L’intérêt d’avoir pu fonder une telle famille apparaîtra alors de façon évidente à qui toucha au moins une fois en sa vie à des questions nous passionnant, tout comme elles déclencheraient chez n’importe quel individu l’ardente envie de développer un certain éclectisme ; de se sensibiliser à tous les enjeux de notre monde contemporain. De là, les membres actuels ont eux aussi été attirés par l’idée (aujourd’hui réalité depuis 3 ans) de faire part de leurs passions, de quelque nature que ce soit, au grand public. De fait, tous les thèmes, tous les goûts se retrouvent, s’entrelacent dans cette délicieuse mélodie que composent rencontres, aides mutuelles, altruisme ; bonhomie des uns, candide désinvolture des autres, les opposés s’attirant pour céder le pas à une ambition commune : le partage de l’information repensée, accessible à tous et produite pour tous. C’est pourquoi, afin de pourvoir à cette perspective, tous les sujets d’articles sont mobilisés. Des conseils culinaires à l’Histoire en passant au détour d’un mot (ou deux) sur ces Belles Lettres qui illuminent et animent toujours un monde qui tend à sombrer dans la désinformation et la bêtise, sont autant de thèmes qui font la structure du Gay-Lu Times.

Gay-Lu Times (Le Journal des Lycéens) du 3 mars 2021

Une organisation agile compatible avec les études

Le travail au Gay-Lu Times est composé d’articles individuels ou collectifs, rédigés mensuellement par tous les membres. Ainsi, étant une équipe d’environ une dizaine d’élèves, nous publions un peu plus de dix articles de Septembre à Juin. Nous attendons de la part des élèves volontaires une certaine motivation, qui les engagera à écrire au moins un article par mois. Le nombre de pages est indéfini, laissant la possibilité à chacun de développer à son rythme son talent pour l’écriture. Cette illimitation se retrouve également dans le choix des thèmes.

Au Gay-Lu Times, les journalistes en herbe sont libres de rédiger des articles sur leurs passions, leurs activités, la vie du lycée ou même encore la culture en général.

Tout ce qui inspire est sujet à être au cœur d’un article. Même si certaines publications sont « à thème », permettant ainsi à ceux en manque d’inspiration d’explorer les différentes facettes d’un sujet commun, chacun est libre de choisir un autre objet de rédaction. Ainsi, le Gay-Lu Times est ouvert à tous, à toutes les filières, à tous les niveaux, à tous les élèves déterminés et engagés. Une relecture générale est faite avant toute parution pour que chacun partage son travail avec les autres membres. Pour celles et ceux qui hésiteraient encore à se joindre à nous, sachez qu’avec une bonne organisation personnelle, votre travail scolaire ne sera nullement dérangé. Il est toujours possible lors de périodes d’examens, de s’arranger avec d’autres membres pour ne pas écrire un article exceptionnellement dans le mois !

Concernant l’organisation interne du journal, chaque personne inscrite a un rôle attribué en début d’année qu’il conserve par la suite, sur ses trois années lycéennes ou simplement sur l’année. Que ce soit rédacteur, dessinateur, attaché de presse, trésorier, président, secrétaire… chacun trouvera la fonction faite pour lui ! Des réunions par visioconférence ont lieu deux ou trois fois par an pour faire le point sur les parutions à venir et les événements prévus. Si les différents emplois du temps de tous le permettent, des rencontres réelles pourront être organisées éventuellement. Ces appels à distance permettent dans un premier temps de faire connaissance avec tous les autres élèves au début d’année, puis d’organiser la vie du journal, aussi bien dans son format papier que numérique. Le journal est en effet imprimé puis disponible à la lecture au CDI. Mais il est tout aussi possible de suivre l’actualité du Gay-Lu Times sur les réseaux sociaux et internet.

Par ailleurs, nous vous informons, très estimé(e)s lecteurs/trices, que vous pouvez d’ores et déjà vous joindre au Gay-Lu Times, ou simplement observer la course de son évolution, via notre site web www.gaylutimes.fr ainsi que les réseaux sociaux à l’instar d’Instagram, de Twitter, de LinkedIn ; ou nous contacter dans l’un de nos groupes de discussions et de réflexion sur WhatsApp, Discord voire nos boîtes mails (gaylutimes [@] gmail.com ; recrutementgaylutime [@] gmail.com).  À savoir que, comme toute grande famille qui se respecte, les branches de notre arborescence s’étendent chez les Anciens de Gay-Lu qui, grâce à leur indéfectible et indélébile soutien, nous ont permis de grandir et de devenir ce que nous sommes aujourd’hui. Qu’ils en soient remerciés !

Emma & Maxime
pour l’équipe du Gay-Lu Times

 

En complément, vous pouvez retrouver l’article publié en 2021 par Le Populaire du Centre

L’équipe de rédaction. © Photo Aline Combrouze pour Le Populaire du Centre

Gay-Lu Times, kezako ? Vous en avez probablement déjà entendu parlé, c’est LE journal lycéen du Lycée Gay-Lussac de Limoges. Nous avons récemment sollicité l’équipe de rédaction du Gay-Lu Times pour nous en dire plus sur ce média qui souffle aujourd’hui ses trois bougies. En amont d’un article plus fourni, ils nous partagent une petite vidéo « teasing ».

 

Retrouvez le Gay-Lu Times sur les réseaux :

Pour en savoir plus sur le journal lycéen Le Gay-Lu Times, lisez l’article complet « Gay-Lu Times : du bourgeon à la fleur », proposé par Emma et Maxime, membres de l’équipe actuelle de rédaction.

Né en 1896 à Chicago et mort en 1970 à Baltimore, l’écrivain John Dos Passos est de ces plumes injustement oubliées par la postérité. Père d’une écriture expérimentale, qui souligne avec finesse les travers de l’Homme pressé, la crise de la transcendance et l’horizontalité d’un monde aux promesses toujours déçues, cet amoureux de la Vieille Europe n’a pas eu droit, en 2020, à l’anniversaire posthume qu’il méritait. C’est cet affront que Romain Artiguebère tente modestement de laver, tant l’œuvre de « JDP » se doit d’occuper, aux côtés de Faulkner, Hemingway, Fitzgerald ou Wharton, une place de choix dans le rayon étasunien de nos bibliothèques.

Habité depuis ma prime jeunesse par cet « ange-démon qui pousse à me pencher sur tout ce qui guette déjà le temps avec des yeux d’oubli », je ne me suis jamais lassé des saveurs de l’infime aux relents de pitié. Claironne en moi, comme chez Gary, une étrange attirance pour ce qui trop souvent s’efface devant l’éphémère, la gloriole des succès partiellement mérités. C’est une propension d’homme seul, rétif à ce que Roger Nimier vomissait à raison : « la mode ». Et ce sourd épanchement pour les biens occultés m’a très souvent conduit sur les rives du folklore. Ce furent des recensions cartographiques aux airs d’explorations larbaldiennes, des logorrhées solitaires exposant de dérisoires principautés, quelques soliloques enjolivant l’enclave de Saint-Marin, la splendeur tarie de Nauru et la grandiloquence du souverain George Tupou. Par une coquetterie tirant vers la gourmandise, je me repais toujours des hasards, quitte à les convoquer un peu parfois. Et j’aborde un auteur par le petit bout de sa lorgnette éditoriale, entreprenant des assauts littéraires comme on charge un adversaire. A revers. Préférant les flancs ardus aux voies royales de la distinction, de la préface ou des fats incipit. Je traîne alors en librairies comme un archéologue, un traqueur de trésors oubliés dont la beauté n’éclaire hélas plus rien et qui sommeillent dans l’ombre poussiéreuse des honneurs vulgaires. John Dos Passos a subi beaucoup d’injustices. Il fut mis au rebut par la critique, abandonné de Sartre – qui vit pourtant en lui dès 1938 « le plus grand écrivain de notre temps » – et moqué par Hemingway, dont l’esprit partisan ne supporta pas la pureté justicière de son homologue dans l’affaire José Roblès. C’est d’ailleurs cette expérience malheureuse de la guerre d’Espagne qui fit croître en Dos Passos les germes du doute quant à son engagement à l’extrême gauche de l’échiquier politique.

John Dos Passos reads aloud to Katy Dos Passos(?) aboard the Anita, 1932. Photograph in the Ernest Hemingway Collection at the John F. Kennedy Presidential Library and Museum, Boston.

Pour entrer dans son œuvre et la saisir pleinement, il convient d’oublier les stériles comparaisons avec d’autres écrivains américains. Face à Hemingway, par exemple, Dos Passos oppose une confection qui lui est propre, un style particulier, un rythme singulier. Il nous laisse en héritage deux trilogies – USA et Washington DC – où s’entremêlent des biographies historiques renseignant sur l’Amérique ardente, des « collages » d’actualités brutes alliant slogans publicitaires assourdissants, allocutions ou chansons populaires.

Premier témoin de « l’Occident » naissant

John Dos Passos, fils d’un avocat d’origine portugaise, est certes né à Chicago mais son cœur d’enfant illégitime ne cessera de balancer, dans sa vie comme dans son œuvre, entre l’Europe et le Nouveau Monde. C’est sans doute l’île de Madère, dont la géographie elle-même contient le tiraillement qui sépare et rapproche les deux rives de l’Atlantique, qui résume le mieux l’attraction du père de USA pour une Europe où il fut d’abord élève dans un internat anglais puis par la suite ambulancier durant la Première Guerre Mondiale. De la Guerre, il est souvent question dans l’œuvre de l’écrivain. Car celui-ci est le maître du désenchantement, des vies brisées, des rêves de l’Amérique première bafoués par les « nouveaux venus » qui s’enrichissent sur la bête, entravent l’espoir des « grosses galettes » et surtout – thème récurrent s’il en est dans cette œuvre foisonnante – corrompent les valeurs institutionnelles des Pères Fondateurs.

J’ai découvert Dos Passos en confiné, m’immergeant avec lui dans l’Amérique en feu quand nos corps gourds des réclusions forcées fustigeaient l’agonie de notre condition. Ce fut là le paradoxe de cette rencontre : errer dans la ville que nous ne voyions plus, râper l’asphalte frais depuis nos quotidiens murés, sauter de tram en train pour mieux saisir les épopées des damnés du bitume.

Dos Passos est d’abord un chroniqueur, un écrivain de l’Histoire dont les personnages sont surtout des miroirs. Cette Histoire est celle d’une Amérique en mutation, contrariée par les soubresauts d’un monde encore européen et qui, comme l’écrira Paul Morand à l’issue de la Première Guerre Mondiale, changera finalement de centre pour laisser les Etats-Unis « rafler la mise ».

Mais Dos Passos, dont – pour les esprits grincheux de la critique facile – la modernité passe comme les beautés, nous offre avant tout des procédés dynamiques, un enchevêtrement de techniques visuelles et olfactives absolument extraordinaires. C’est un cinéma écrit qu’il déploie, une fresque américaine dont « l’œil caméra », chapelet de descriptions sensorielles incrustées dans la trame narrative, casse la facilité d’un mouvement qui broie. On est bien loin du rouleau de Kerouac ou des lignées faulknériennes sises à Yaknapatawpha. Avec Dos Passos, l’Atlantique est certes une passerelle et le trottoir océan mais le roman se subdivise toujours comme les paperolles de La Recherche ou des collages de prime jeunesse.

La prose de Dos Passos vit comme le flux, le caprice d’une marée littéraire où surgissent des baïnes et des vagues légendaires. Sa propre fille révéla d’ailleurs l’entreprise réussie de son père : que les « mots vivent sur la page » et, surtout, « qu’ils en sortent, se dressent, sautent à la figure puis explosent comme des bombes ». De cette explosion lettreuse nous ne sortons pas blessés, mais au contraire grandis.

USA, Cathédrale de verre, de bitume… et de papier

Ce qui frappe en refermant la trilogie qui lui valut sa renommée, c’est l’incapacité que l’on éprouve à décrire un personnage autre que la ville. C’est bien là tout le génie de cet auteur : écrire sur la vitesse qui happe, le mouvement qui noie, les organisations – Partis comme Syndicats – qui, loin de révéler l’homme à lui-même, l’étouffent et le corrompent. Dos Passos est donc un écrivain des espérances déçues, des ardeurs déjà chues dans un pays marqué par le triomphe de l’injustice et l’étiolement des libertés depuis l’affaire Sacco et Vanzetti.

L’enfant de Chicago est aussi, nous l’avons esquissé, un créateur protéiforme.

Comme Sterne avec Tristram Shandy, dont l’ordonnancement, la technique narrative et les pages marbrées eurent des airs de révolution romanesque, John Dos Passos ponctue souvent le fil de ses fictions d’entrefilets variés qui cassent la narration mais rythment aussi l’action et enrichissent le message d’un auteur-prophète, annonciateur d’une société de l’image et du son, pervertie par le bruit, la mise en scène de soi, la croyance nouvelle de l’Homme sans transcendance, dont la Trinité ne tient plus que dans le Mot, la Promesse et l’Avidité.

Dos Passos par-delà USA

On aurait tort de faire de Dos Passos le père d’une seule trilogie. Même à Paris, où je me plais souvent à évaluer le cours d’une Plume par des odyssées de librairies, ses romans mineurs sont souvent réservés à la commande et n’attirent pas beaucoup les chalands oublieux. Si USA domine, beaucoup d’autres chefs d’œuvre ont pourtant vocation à sortir de l’anonymat. Certains, comme Numéro Un ou Milieu de Siècle, parce qu’ils savent capter les tares d’un temps qui ne sont pas étrangères à celles du nôtre. C’est par exemple le cynisme exaspérant du candidat Crawford, un de ces meneurs d’hommes capables d’affirmer, « pour qui devient une personnalité politique connue », qu’il est « rudement utile d’avoir une vieille mère présentable », mais aussi le servage volontaire et l’abaissement moral de son conseiller Tyler Spotswood, lequel révèle sans doute le dégoût de l’auteur pour une engeance politicienne déjà vilipendée dans d’autres œuvres, où transparaissent notamment la corruption des syndicats et une certaine déception vis-à-vis du New Deal de Roosevelt. Numéro Un, que je conseille ardemment à l’heure où le Politique renaît en France, est aussi la chronique d’un abaissement moral, d’une oxydation des idées au profit du pouvoir et de la longévité.

Nous devons enfin à Dos Passos des œuvres expérimentales qui, comme des ballons d’essai réussis, donnent à lire la crise de l’Homme et l’absurdité de la quête dans ce qu’il nomme lui-même une « nation vaincue ». Dans Les Rues de la Nuit, dont nous célébrerons l’année prochaine le centenaire de la publication, l’errance nyctalope de Fanshaw et Wenny ont des airs de cauchemars éveillés. La médiocrité ambiante assassine le destin des personnages et sape la finesse de ce trio aspirant bien plus que ce qu’un continent matérialiste est à même de fournir à sa nouvelle génération. Le Nouveau Monde est l’assassin du style, de l’esthétisme et de l’ancien, c’est-à-dire d’une Humanité qui ne résonne plus dans le chaudron de l’Amérique ardente. Et le débat permanent qui lie Fan, Wenny et Nancibell, marcheurs invétérés fuyant l’échec et rencontrant partout ce qui génère pourtant leur marche, leur permet d’établir une conclusion : l’Homme nouveau n’est plus porté à la profondeur. Quand Wenny regrette que la Raison ne soit qu’une « illusion », les Hommes réfléchissant « trop souvent aux choses après qu’elles se soient produites », Fanshaw pense – en réalité dans le même esprit – que « la différence entre nous et des gens comme Pic de La Mirandole ou Pétrarque » tient précisément dans le fait qu’ils « pouvaient mettre leur Raison dans la pensée, dans l’art et la libération du monde » quand leur génération la « gaspille dans des complications absurdes ».

 

Dos Passos est donc le Messager du monde contemporain, celui qui broie l’individu, donne à croire sans remplir sa promesse, celui qui enserre jusqu’à l’injustice, le désespoir et la malchance, qui rend la vie répétitive, creuse et matérielle. Ville, Syndicat, Parti, Usine ou Université sont les théâtres de possibilités sans cesse entravées. L’Amérique pionnière semble avoir cédé sous la cupidité. Dos Passos, sans doute un peu désabusé, nous la présente comme une chance devenue prédation, un espace où l’émancipation se mue en désespoir, en agonie des ambitions. Comme le dit Wenny, dans l’une de ses discussions nocturnes avec Nancibell, « vivre est terriblement dangereux ». En Amérique surtout et en Europe aussi.

Lucas Destrem, ancien du lycée (2007-2010), a repris le plan de la RATP et y a modifié tous les noms de stations pour les remplacer par des dénominations valorisant les lieux d’art et de culture de l’agglomération parisienne. Un plan en forme de soutien à un secteur durement touché par la crise sanitaire et les consignes en vigueur en conséquence.

Dans la réalisation de ce plan, il y a la rencontre de plusieurs passions. Celle de la cartographie – j’ai dessiné des cartes avant de savoir lire. Celle du métro parisien, de son folklore et de ses ambiances, pour lesquels j’avais eu un véritable coup de cœur étant enfant, même si aujourd’hui, partagé entre Limoges et surtout l’Ariège, je le fréquente peu. Enfin celle de la toponymie, c’est-à-dire à la fois le corpus global des noms de lieux qui nous entourent, et la discipline qui, à la croisée de la géographie, de la linguistique et de l’histoire, les produit et les étudie.

Au départ, ce plan, c’est un cadeau de Noël pour mon jeune frère, parisien depuis quelques mois et nouvel élève d’une école de théâtre, l’Ecole du Jeu. Une sorte de carte de bienvenue dans la ville-lumière et capitale.

Plan Métro Culturel

Plan culturel du métro de Paris, par Lucas Destrem – Tous droits réservés

Un important travail d’identification et de sélection des lieux

Concrètement, j’ai réalisé ce plan à partir du plan original de la RATP, en vigueur fin 2020 et accessible à tous en ligne. Tous les vrais noms de stations – environ 500 qui apparaissent sur ce document – ont été retirés, puis remplacés par un nouveau toponyme (que l’on pourrait appeler « stathmonyme », du grec σταθμός, stathmós [arrêt, station]). Il s’agit de stations de métro mais aussi de RER, transilien et tramway. Je n’ai inventé aucune localisation. J’ai simplement rajouté quelques stations de train de banlieue qui n’apparaissent pas sur le plan mais que j’avais à cœur de mentionner, principalement dans l’ouest parisien. Mais l’idée était vraiment de conserver ce plan qui parle à tout le monde, même vu de loin. C’est une signature graphique de la RATP, et au-delà, de Paris. Presque une marque. C’est ce qui en fait la force, le caractère iconique, au-delà de son rôle pratique de plan.

Les nouveaux noms choisis renvoient à des lieux d’art, de culture et de loisirs situés à proximité. J’ai donc sélectionné des musées, des monuments historiques, des bibliothèques, des théâtres, des cafés culturels et musicaux, des salles de concert, des ateliers d’art, des centres socio-culturels, des parcs de loisirs, des institutions médiatiques, des centres d’archives, des cinémas, des écoles d’art, des pôles de recherche, des librairies, des centres culturels étrangers… Des lieux connus côtoient des sites plus confidentiels. J’avais notamment à cœur de valoriser les lieux de la petite couronne, afin de souligner la vitalité des départements limitrophes en matière de création, d’éducation à l’art, de tourisme culturel.

Au terme d’un long travail d’identification des différents lieux, permis par le croisement de plusieurs sources et bases de données (Google Maps, carte interactive de la ville de Paris, index régional des lieux culturels…), j’ai dû procéder à un complexe exercice de sélection, dans un vaste tableau Excel, où à chaque station étaient associés différentes possibilités hiérarchisées par distance. Ce travail m’a conduit à retirer certains lieux dans l’objectif de produire des noms compréhensibles, lisibles, suffisamment courts, aussi agréables à dire que possible, et crédibles, comme s’ils devenaient les stathmonymes de demain. J’ai en outre mis un point d’honneur à valoriser l’ensemble des champs du patrimoine et de la création culturelle, du théâtre de marionnettes aux lieux d’histoire, des espaces de création contemporaine aux lieux d’éducation à l’art…

 

Mettre en lumière la richesse du tissu culturel… et sa fragilité

Ce faisant, à la lumière d’une actualité marquée par les restrictions visant l’ensemble des professionnels du secteur de la culture, des arts et du divertissement, ce plan m’a paru faire écho aux incertitudes sur l’avenir proche de tous ces acteurs, toutes ces structures, et donc avoir une portée collective.

L’objectif de ce plan est donc aussi devenu de valoriser des institutions, des objets et des acteurs et actrices culturel.le.s durement touchés par la crise sanitaire du Covid-19, dont les perspectives économiques et psychologiques sont souvent bien sombres. Cet impact est tangible pour moi, car il concerne plusieurs personnes de mon entourage, comme beaucoup d’entre nous, qu’ils soient eux-mêmes artistes ou tout simplement férus de sorties culturelles. Ceci m’a poussé à vouloir rendre public ce plan, de manière à très modestement attirer l’attention de tous sur cette situation très difficile. Il s’agit aussi d’attirer l’attention sur la richesse et la diversité du tissu socio-culturel et artistique de la région parisienne, de mettre en évidence le patrimoine vivant que ces différent.e.s acteurs et actrices protègent, valorisent, étudient et créent, en permanence, et de rappeler combien ces lieux sont essentiels à l’équilibre de tout un chacun, en ce qu’ils créent du lien, de l’émotion mais aussi font vivre des millions de personnes en France.

 

La toponymie, un jeu linguistique, commercial, politique…

Soucieux de procéder dans les règles, j’ai sollicité et obtenu l’autorisation du service juridique de la RATP pour la publication en ligne de ce plan adapté du plan original dont elle détient la propriété intellectuelle. C’est aussi pour cela que je n’en ferai pas commerce.

Ce plan détourné interroge aussi notre rapport à la toponymie urbaine, à la fois intime et quotidien, collectif et politique : les noms de lieux forment un paysage linguistique riche, dense, mouvant, qui vise à faciliter les déplacements et le repérage, et qui en même temps donne à lire et à comprendre l’histoire des sociétés, la confrontation des mémoires, le poids changeant des représentations, des valeurs morales et des idéologies qui sont successivement brandis puis honnis par les différents régimes de gouvernement… Le matériau toponymique, à la fois pratique et symbolique, est aussi un formidable terrain de jeu que les communicants, les décideurs politiques, les entreprises investissent de plus en plus (on se souvient peut-être de la campagne de publicité de la SNCF qui mettait en scène de faux panneaux routiers français mentionnant “Quancoune” ou “Saint-Gapour”).

Dans ce paysage de noms de stations, les lieux de culture sont finalement peu nombreux. Rares sont donc les noms à n’avoir pas été modifiés : Musée d’Orsay, Arts et métiers, Musée de Sèvres… On peut s’amuser à les repérer. On peut aussi “jouer” autrement : constater que les noms de femmes sont moins rares que dans l’odonymie traditionnelle. Preuve qu’on a davantage associé les personnalités féminines à des lieux de culture qu’aux voies de circulation ? Preuve aussi que les lieux de culture, assez récents pour l’essentiel (médiathèques municipales, centres socio-culturels), ont été édifiés et nommés à une époque où la question de la parité et de la présence des femmes dans l’espace public s’est imposée à tous avec nécessité, et particulièrement dans un premier temps, il faut le dire, dans les municipalités de gauche comme Paris ou l’est parisien.

Je n’avais pas anticipé la circulation aussi rapide de ce plan. J’ai été touché par les innombrables remarques positives, les encouragements, les mots très chaleureux, les demandes d’édition et le partage par certaines personnalités du cinéma ou par certains hauts lieux culturels, mais aussi la déception de ceux qui n’ont pu être retenus sur le plan… Ce plan n’a évidemment pas la prétention d’apporter des solutions, mais puisse-t-il ancrer au maximum dans nos esprits la nécessité de défendre l’accès à la culture pour tous, sans distinction d’âge, d’origine, de territoire, sans discrimination entre les différents courants, les différentes formes d’expression. Ayons à la fois conscience de la chance que nous avons, dans notre pays, de pouvoir profiter d’une offre culturelle aussi riche, et de la grande fragilité de ce milieu, qui exige des décideurs une urgente attention et des usagers et citoyens que nous sommes tous, une solidarité exemplaire qui pourra s’exprimer quand les salles rouvriront.

Quant à moi, cela m’a donné l’envie de faire d’autres plans qui continueront d’inviter au jeu tout en portant un message ! Peut-être sur Limoges ?

 

Vous pouvez suivre le travail de l’auteur, Lucas Destrem, sur son site internet : Géo_Graphismes.

Vous souhaitez lui adresser un message ? Laissez un commentaire !
Vous avez aimé son travail ? Partagez l’article sur les réseaux sociaux.

 

Le temps de lire : « Des livres et vous ». Retrouvez chaque mois à l’antenne de RCF Limousin notre camarade Laurent Bourdelas, pour de nouveaux conseils de lectures, et une rencontre avec un écrivain. Passionné de littérature, il partage avec enthousiasme ses découvertes, ses coups de cœur, au fil de rencontres. Rendez-vous un mardi par mois à 11 heures pour cette émission originale.

 

Laurent BourdelasLaurent, pouvez-vous nous parler de cette nouvelle émission littéraire ?

J’ai commencé à faire de la radio alors que j’étais en classes préparatoires littéraires au lycée Gay-Lussac.

J’ai travaillé sur différents médias, en particulier RCF Limousin et France Bleu Limousin, pour des chroniques et des émissions consacrées à l’histoire, la culture et la littérature. Mon objectif premier est de faire partager ces passions et mes coups de cœur aux auditeurs: des spectacles, des évènements et surtout des livres (fiction, poésie, histoire…) – aussi bien d’écrivains nationaux et reconnus que d’auteurs écrivant en région.

Comme je pratique cet exercice depuis près d’une quarantaine d’années, j’ai la chance d’entretenir des liens avec la plupart des éditeurs et des milieux culturels, ce qui me permet de considérablement enrichir mes programmes.

Mon nouveau magazine a pour titre « Des livres et vous » car je suis persuadé depuis toujours que la lecture est une émancipation, peut-être la principale.

Retrouvez toutes les émission sur RCF Limousin.

 

Retour sur les émissions de 2020…

MARDI 15 DÉCEMBRE – Des livres et vous avec Stéphane Fradet-Pulzan

MARDI 17 NOVEMBRE – Des livres et vous avec Martial Andrieu

MARDI 20 OCTOBRE – Des livres et vous avec Paul Greveillac

 

Intéressés par la culture ? Suivez dans le Mag, au fil du temps, les actus des Anciens de Gay-Lu au fil des publications, sorties… dans la rubrique « En librairie », mais aussi au cinéma, sur les ondes… et plus si affinité !

 

Il faudra patienter jusqu’en 2023 pour explorer de nouveau sa demeure charentaise, antre d’une fascination orientale et d’une enfance heureuse, galerie d’une vie peuplée par l’appel de la mer et l’ardeur du souvenir. Le confinement ne nous permettant pas pour l’heure d’approcher les murs blancs du musée rochefortais, Romain Artiguebère nous livre son regard sur une face méconnue de l’œuvre de Loti.

 

Pierre Loti – Source Selvejp pour WikimediaCommons

Né il y a 170 ans au cœur du Saintongeais, le marin-écrivain a légué aux curieux une double autofiction, source d’inspiration à l’heure des réclusions forcées. Homme de l’Atlantique, bercé par les délices du pays basque et l’insularité nostalgique de sa chère Oléron, Julien Viaud est aussi le conteur d’un Orient fascinant. Derrière le spahi de Saint-Louis et le fantôme d’Aziyadé se tient toute la fragilité poétique d’un conquérant subtil, animé par un esprit voyageur que nous lui connaissions mais aussi attaché à une terre des origines qu’il sanctifie et muséifie à l’envi. Sous la vareuse trempée du révéré Borda sommeille en fait un pieux conservateur, gardien du royaume juvénile et du fortin des Viaud. Çà et là, aux abords d’une Charente immuable et discrète, qui coule sur son fief comme une artère vitale, il enchâsse un reliquaire d’objets, de sons et de pensées pour nourrir le décor de ses cahiers précoces. Dans Le Roman d’un enfant et Prime Jeunesse, respectivement publiés en 1890 et 1919, Julien Viaud donne à découvrir un pays : son passé. Galerie de souvenirs prolongés, antre des sensations, des chimères perpétuées. L’explorateur ardent, lauréat du prix Vitet à seulement 36 ans, dévoile ainsi toute sa fragilité mélancolique, alliage de réminiscences naïves et d’impressionnisme littéraire. En goutant à cette prose traversée par le regret des temps anciens, c’est bien à Marcel Proust – initié par sa mère aux écrits de Loti – que nous songeons sans nous fourvoyer. Le papillon citron-aurore, fil rouge des commémorations immatérielles, fait donc écho à la madeleine de tante Léonie, à cette conscience affective entrée dans la postérité des mots. L’ambivalence du rapport à la demeure, aux terres familières peuplées de souvenirs et d’odeurs, élève ce testament lettré en écrit inspirant à l’heure du confinement.

Son propre nom est un jeu sonore qui invite à saisir l’ardeur voyageuse du marmot de Rochefort. Loti, dont le patronyme allégorique est déjà en lui-même un appel au départ (il est emprunté à la langue polynésienne), semble aujourd’hui réduit à l’exotisme flamboyant de ses desseins d’enfant. A son évocation, nous songeons naturellement aux clichés délirants d’un zélé du grimage, élégamment drapé dans de longues toiles d’Orient, vêtu en Albanais ou surmonté d’un fez. De Dakar à Kyushu sans ignorer Stamboul et les îles tahitiennes de la reine Pomaré, le père d’Aziyadé narre jusqu’aux jouissances intimes des exils temporaires. Dans un style élégant, dont le raffinement ne fut que tardivement reconnu par les gardiens de notre Académie (il y fut admis en 1891 et apprit la nouvelle à bord d’un navire mouillant dans la rade algéroise), l’écrivain charentais a légué des portraits qu’une grappe de censeurs conspue aujourd’hui en dénonçant le racialisme ambiant d’un siècle finissant. C’est là un misérable procès par contumace, une sournoiserie dont les esprits étriqués cultivent le piquant et qu’il convient dès lors d’ignorer. Car derrière les déguisements fastueux et souvent truculents d’un Loti amateur de parures, sommeille chez cet auteur aujourd’hui méconnu la beauté contrariée de la mélancolie et les embruns subtils d’une vie intérieure enfouie sous l’apparat festif du voyageur. Viaud prétend figer sur le papier « la vétusté des choses, vague conception des durées antérieures » à lui-même et sa « mélancolie rêveuse en présence des vieux murs, des choses anciennes et du vieux temps ». On aurait donc tort de le restreindre à un primitivisme littéraire, à des quêtes foisonnantes ou à une simple frénésie de l’excursion. Si l’exploration est évidemment pour lui une aspiration, un appel transcendant aux allures de vocation, elle est aussi un déchirement tant la terre familiale revêt chez Julien Viaud une dimension charnelle et mémorielle. C’est précisément ce rapport ambivalent à une intimité enfantine aussi douce qu’oppressante que Loti donne à lire au fil des pages.

C’est à ce nouveau confinement que je dois la découverte du Roman d’un enfant, autofiction savoureuse dont je ne soupçonnais ni la volupté stylistique ni la résonance avec notre actuelle condition.

Pierre Loti chez lui dans sa pagode par Dornac. Salle dite « La Pagode japonaise ». Source WikimediaCommons

Nous le savons, la lecture est bien souvent affaire de rencontres. Sans le rassemblement fortuit des conditions indispensables à sa fertilité, point de plaisir ou de compréhension. C’est donc à ce nouveau confinement que je dois la découverte du Roman d’un enfant, autofiction savoureuse dont je ne soupçonnais ni la volupté stylistique ni la résonance avec notre actuelle condition. L’œuvre est traversée par une attention appuyée aux vétilles du quotidien, que la mémoire polit, rassemble et magnifie. Armé d’une insolente sensibilité, Loti brave dès l’enfance le couperet de l’oubli. Devant l’inanité de ses repos dominicaux et la torpeur des ruptures vacancières, il dresse ainsi la plume et saisit ce qu’il nomme les « arrêts de la vie ». Ces instants sont pour lui des temps morts féconds, où il perçoit déjà la « notion infuse de la brièveté des étés, de leur fuite rapide, et de l’impassible éternité des soleils ».

S’il est admis par beaucoup que la littérature libère en tant qu’elle brise la réclusion, le récit de l’intimité lotienne est d’autant plus fondamental qu’il porte en lui les germes de la vocation navale de l’écrivain tout en exaltant le regret des fiefs abandonnés. Cette œuvre, qui perça pourtant peu dans la bibliographie iodée de l’écrivain, est donc celle du tiraillement, le port d’attache de la Limoise et le souvenir d’Oléron concurrençant constamment l’attrait de l’inconnu et des rivages inexplorés.

Le Roman d’un enfant symbolise la fragilité poétique de la Mémoire, le souffle d’un souvenir à la fois guide et miroir. Ne dit-on pas d’ailleurs que la propre mère de Marcel Proust lisait à son cher fils quelques pages de Loti ? Dans un exigeant travail réalisé en 1959 pour l’Association internationale des études françaises, Pierre Costil a mis en lumière cette parenté dont il situe l’acmé entre 1887 et 1890. L’auteur de la Recherche aurait été touché par la « méthode de reconstitution » de son inspirateur saintongeais, mentor inavoué lui-même hostile au travers de l’autobiographie. Loti évoque plus volontiers des « jets de clarté brusques », couchés sur le papier comme une gouache encore fraiche. Le jeune Julien goûte ainsi à l’appel des marins comme pliant face au chant des sirènes d’une odyssée brimée. Cette ambivalence est aussi celle du confiné, porté à une introspection vertigineuse et à un goût d’ailleurs provisoirement contraint. Loti a poussé la création à son paroxysme en élevant son enfance molletonnée en épopée grandiose.

Façade voisine de la Maison de Pierre Loti, au 137 rue Pierre Loti à Rochefort (17) – Auteur Serge Lacotte via WikimediaCommons

Car Julien Viaud est un joueur jonglant avec son patronyme comme il le fait avec sa propre création. Il entremêle ainsi la transcription fidèle de ses pensées, lesquelles émanent d’un vieux Cahier intime partiellement exhumé dans Prime Jeunesse, et l’art d’un déguisement toponymique aux allures de fantaisie. Derrière ce Fontbruant absent des planisphères se cache ainsi le vrai village de Saint-Porchaire et la verdeur des chênes de Rochecourbon. Dans la même veine créatrice, il convient de noter que nombre de personnages sont identifiés dans le Roman au moyen de prénoms fictifs alors qu’ils retrouvent, dans la seconde partie de cette autofiction, leur franche identité. Lalie est ainsi abolie pour mieux rétablir la figure de tante Berthe. Tout agit comme un jeu de glace, où la souffrance de la mélancolie semble atténuée par l’inventivité d’un enfant créateur. Sans jamais tomber dans l’hétéronomie maladive d’un Pessoa frôlant souvent avec la dépersonnalisation créatrice et la schizophrénie littéraire, Loti entremêle donc à dessein l’identité heureuse du Protestant rochefortais, l’irrépressible envie d’ailleurs et la candeur d’un enfant soumis au dilemme de sa propre sensibilité.

Bien sûr, la richesse de Prime Jeunesse tient aussi et surtout dans le caractère initiatique du récit. C’est sur la terre des origines que Loti goûte pour la première fois aux plaisirs de la chair, la belle gitane dont il s’éprend à l’orée de son exil brestois incarnant à ses dépens la passion des contrées inconnues et des peuples encore inabordés.

Si cette œuvre est parfois réduite à l’expression d’irrémédiables contrastes, Loti opposant lui-même la blancheur lumineuse du Saintongeais à la frénésie colorée des voyages, on aurait tort d’extrapoler la moindre cassure biographique. L’auteur, qui a complété Le Roman d’un enfant à la fin de sa vie en lui adjoignant Prime Jeunesse, établit en réalité un pont entre ses expériences. Il avoue ainsi sans ambages qu’il aurait été probablement « moins impressionné par la fantasmagorie changeante du monde s’il n’avait commencé l’étape dans un milieu presque incolore, dans le coin le plus tranquille de la plus ordinaire des petites villes », bornant ses plus grands voyages aux bois de la Limoise qui lui semblaient « profonds comme les forêts primitives ».

Ce récit de l’enfance a donc les traits d’une confession marquée par une grande continuité. Loti ne renie rien, bien au contraire. C’est cette absence de cassure qui fait la richesse du texte et son ambivalence. Celui-ci est à la fois la rétrospective mature des prémices de la vie et le tableau naïf des jeunes années de Viaud.

La tendre autofiction des étés saintongeais, sise au seuil d’une émancipation marine déjà érodée par la soif du retour, a beaucoup à nous dire d’un écrivain gommé par certains de ses pairs et soufflé par le Temps, suprême autorité qui révère pompeusement ou délaisse à jamais. On dit ainsi de Proust qu’il n’aurait jamais reconnu l’influence de Loti sur sa plume prolifique, plus volontiers portée par l’influence grandiose de Saint-Simon, de Gérard de Nerval et de Chateaubriand. Le Roman d’un enfant témoigne pourtant des prouesses d’un capteur de souvenirs, dont le Fontbruant remémoré n’a pas à rougir devant la noblesse de Combray. Henri Juin nous a légués une formule de bon aloi : Loti est « goinfre et gouffre », assoiffé d’ailleurs et pourtant aspiré par l’intériorité du souvenir. Curieux écho à notre condition précaire de reclus malgré nous.

L’enfance est une valeur perdue, un terrain abandonné dont la richesse conditionne pourtant les quêtes ardues. C’est sans doute Georges Bernanos qui, sous la lune d’un Palma rougi par la guerre d’Espagne, a écrit les plus belles lignes à son propos : « On ne parle pas au nom de l’enfance, il faudrait parler son langage. Et c’est ce langage oublié ; ce langage que je recherche de livre en livre, comme si un tel langage pouvait s’écrire, s’était jamais écrit. N’importe ! Il m’arrive parfois d’en retrouver quelque accent…et c’est cela qui vous fait prêter l’oreille ». Loti aussi a réussi ce pari audacieux : faire parler l’enfance.