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Les deuxièmes Rencontres de Gay-Lussac ont permis au public – parmi lequel des adhérents de l’association Droujba – de découvrir Michel Aucouturier, lors d’un entretien animé par Laurent Bourdelas suivi de questions des personnes présentes.

Michel Aucouturier, est né en 1933 et il a longtemps enseigné le russe à l’Université de Genève puis à la Sorbonne. Découvrant la poésie de Pasternak durant ses études, il a poursuivi ses recherches sur le poète en Russie, où il a séjourné comme boursier du gouvernement français. Il traduit aussi du russe en français. Professeur de langue et littérature russe émérite à Paris IV La Sorbonne et à l’Ecole Nationale Supérieure, il est aussi l’un des grands spécialistes de l’oeuvre de Léon Tolstoï. Il est l’auteur du premier livre publié en France en 1964 sur le poète russe Boris Pasternak (1890-1960), lauréat du Prix Nobel de littérature 1958. Il a depuis dirigé la publication de son œuvre dans la collection de la Pléiade.

Et c’est autour de son nouvel ouvrage : Un poète dans son temps Boris Pasternak (Editions des Syrtes), qu’était articulée la Rencontre.

Boris Pasternak, né en 1890, est l’un des plus grands poètes du XXème siècle. Son éveil à la poésie a coïncidé avec la Révolution de l’été 1917, qu’il a perçue comme « un dieu descendu du ciel sur la terre, le dieu de cet été » et célébrée dans Ma sœur la vie, le recueil qui ouvre son itinéraire de poète. Sa fidélité au principe lyrique de la poésie l’a cependant amené à opposer une résistance obstinée à l’idéologie de plus en plus rigide et mortifère qui envahissait les idéaux proclamés par le communisme triomphant. L’objectivation de cette expérience lyrique et de sa résistance à l’idéologie dominante s’est réalisée dans le roman Le Docteur Jivago qu’il tenait pour l’œuvre de sa vie. Publié à l’étranger malgré l’opposition des autorités soviétiques (Michel Aucouturier a raconté tout cela dans une atmosphère très « espions et guerre froide »), ce roman apporte à Pasternak une renommée internationale et une violente persécution dans son pays où il est aujourd’hui réhabilité et célébré.

un public nombreuxLa Rencontre a également permis d’évoquer la famille de Pasternak, son père peintre, illustrateur de Tolstoï, sa mère musicienne, la question de la judéité… La première vocation aussi, du poète : la composition musicale, suite à la découverte de Scriabine, avant le renoncement. Et puis, les études de philosophie, à Moscou et à Marbourg. Les relations, toujours inspirantes mais souvent compliquées, avec les femmes. Celles avec le futurisme et Maïakovski, Staline et Tsvetaeva ou Rilke.

Michel Aucouturier s’est appuyé sur les nombreux documents devenus accessibles depuis la mort du poète en 1960, en particulier sur sa nombreuse correspondance, et sur les nombreux souvenirs des contemporains de Pasternak, pour retracer l’itinéraire de ce poète qui a dû affronter son temps pour préserver sa personnalité et faire entendre sa voix. Il a expliqué comment il avait échangé avec les proches du poète et Laurent Bourdelas a signalé l’intérêt des photographies publiées dans l’ouvrage.

Page et plume partenaireMerci à Michel Aucouturier pour sa participation.
Merci à la librairie Page et Plume pour leur soutien.

 

Les Rencontres de Gay-Lussac ont une vocation à la fois citoyenne et culturelle, éducative au sens premier du mot. Elles ont pour but d’inviter des personnalités d’envergure nationale pour un échange avec les lycéens, professeurs et anciens du Lycée.

Deuxième invité des Rencontres… Michel Aucouturier, qui évoquera Boris Pasternak au cours d’un entretien avec Laurent Bourdelas.

Michel Aucouturier, professeur émérite de langue et littérature russe à Paris IV La Sorbonne et à l’Ecole Nationale Supérieure est un des grands spécialistes de l’oeuvre de Léon Tolstoï. Il vient de publier aux Editions des Syrtes la biographie : « Un poête dans son temps : Boris Pasternak ».

Rendez-vous VENDREDI 1er AVRIL 2016, de 18h à 20h, au Lycée Gay-Lussac.
Entrée gratuite, mais inscription préalable obligatoire (nombre de places limité) : je m’inscris

Livre Boris PasternakLe mot de l’éditeur
Michel Aucouturier est l’auteur du premier livre publié en France sur le poète russe Boris Pasternak (1890-1960), lauréat du Prix Nobel de littérature 1958 (Pasternak par lui-même, Editions du Seuil, « Ecrivains de toujours », 1964), le traducteur d’un grand nombre de ses poèmes et de ses oeuvres en prose, et le rédacteur de l’édition collective de son œuvre en français (Pasternak, Œuvres, Gallimard, « La Pléiade », 1990).
Dans ce nouvel ouvrage, il a voulu donner une vision globale de la formation et de l’évolution de la personnalité et de l’œuvre du poète, en s’appuyant en particulier sur les nombreux textes publiés en Russie depuis sa mort, notamment sur l’œuvre de jeunesse en partie inédite, ainsi que sur une très importante correspondance, publiée pour la première fois dans sa totalité dans l’édition russe de Œuvres complètes (Polnoe SobranieSotchinenii, Moscou 2003-2005, vol. VII à X consacrés à la correspondance). L’ouvrage est construit selon un plan chronologique, chacun de ses dix chapitres étant centré sur une phase particulière de la formation et de l’évolution du poète, ainsi que sur une personnalité ou un épisode qui l’a particulièrement influencée.

Rendez-vous VENDREDI 1er AVRIL 2016, de 18h à 20h, au Lycée Gay-Lussac.
Entrée gratuite, mais inscription préalable obligatoire (nombre de places limité) : je m’inscris

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Le 29 janvier dernier, s’est tenue la première des Rencontres de Gay-Lussac. Nous avons eu le plaisir d’accueillir l’historienne de renom, Mona Ouzouf au cours d’un entretien avec Laurent Bourdelas.

Remise de la Médaille de la Ville de Limoges à Mona Ozouf

Remise de la Médaille de la Ville de Limoges à Mona Ozouf

Après quelques mots d’accueil de Jean-Christophe Torrès, Proviseur du Lycée et de Jean-Pierre Levet, président de l’Association, Mona Ozouf a eu la surprise de se voir honorée par la Médaille de la Ville de Limoges, remise des mains du Maire Emile-Roger Lombertie en personne.

Durant près de deux heures d’entretien, elle a évoqué devant un public nombreux, son parcours et les thèmes qui lui sont chers tels que la Révolution française, la République et la littérature.

A l’issue de cet entretien, une séance de dédicaces était organisée en partenariat avec la Librairie Page et Plume, à l’occasion notamment de la sortie récente de son ouvrage « De Révolution en République », paru aux éditions Quarto Gallimard.

Encore tous nos remerciements à Mona Ozouf pour sa participation, et aux partenaires de l’événement, tels que Le Populaire du Centre et la radio RCF.

Un public nombreux pour les rencontres de Gay-Lussac

Compte-rendu de la rencontre avec Mona Ozouf.

La présentation par Laurent Bourdelas

« Mesdames, Messieurs, Chers collègues, Chers élèves et chers anciens élèves,
Je crois que nous avons beaucoup de chance aujourd’hui, à vrai dire une chance exceptionnelle : celle d’accueillir dans notre lycée, pour cette séance inaugurale des Rencontres de Gay-Lussac, une personnalité en tous points remarquable, puisqu’il s’agit de Madame Mona Ozouf, normalienne, agrégée de philosophie, qui a rejoint, par l’intermédiaire de son mari l’historien Jacques Ozouf, spécialiste de l’Ecole républicaine, un groupe d’autres historiens, notamment : Denis Richet, Emmanuel Leroy-Ladurie et François Furet. Membre du Centre de recherches politiques Raymond-Aron à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), elle est ensuite directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Et je vous remercie d’autant plus de votre présence que vous écrivez, dans la préface du Quarto que Gallimard vient de consacrer à vos écrits, que « l’atelier de l’historien » est « toujours encombré par les sollicitations extérieures, colloques, présentations, préfaces, commémorations en tous genres » et que vous observez que votre travail est « si souvent dérouté par ces demandes intempestives ». C’est donc un honneur insigne que vous nous faites en répondant à notre invitation !
Rencontres de Gay-Lussac - Association des Anciens du LycéeLes centres d’intérêt de notre hôte, vous le savez, sont multiples, de l’histoire – en particulier de la Révolution, de la République et de l’Ecole – à la littérature. Mona Ozouf a d’ailleurs cela en partage avec d’autres grands historiens qu’elle est aussi un écrivain de grand talent, plusieurs fois primée, qui a reçu l’an passé à Brive le Prix de la langue française « qui récompense une personnalité du monde littéraire, artistique ou scientifique dont l’oeuvre a contribué de façon importante à illustrer la qualité et la beauté de la langue française » ce dont sont convaincus tous ses lecteurs.
C’est pourquoi il est particulièrement plaisant de la recevoir dans ce lycée qui a vu passer entre ses murs – entre autres auteurs – le poète Georges Fourest, Georges-Emmanuel Clancier, Robert Giraud, Pierre Bergounioux ou Robert Margerit, qui écrivit une très belle suite romanesque intitulée  La Révolution rééditée il y a peu chez Phébus. Ce lycée aussi dans la chapelle duquel se réunirent ceux qui préparèrent à Limoges les Etats Généraux de 1789. Et je dois également signaler à Mona Ozouf que ce vénérable établissement a accueilli des élèves qu’elle connaît bien par ailleurs : Jean-Baptiste Jourdan, qui participa à la guerre d’indépendance américaine aux côtés de La Fayette puis fut notamment le général vainqueur de la bataille de Fleurus en 1794, ou  Pierre-Victurnien Vergniaud, grand orateur du parti girondin et de la Révolution, dont vous écrivez, dans le portrait de groupe des Girondins qu’il partage en mars 1793 la Convention en deux groupes : « Celui qui souhaite « entretenir l’effervescence de la Révolution » parce qu’il la croit – Vergniaud est équitable, dites-vous – « indispensable à l’énergie de notre défense » ; et celui, dont il est, qui croit venu le moment « d’arrêter le mouvement révolutionnaire ». Nous y reviendrons, si vous le voulez bien, dans quelques instants.
Pour finir, je crois qu’il n’est pas non plus anodin que cette Rencontre se déroule dans une salle baptisée il y a peu du nom de Joseph Storck, proviseur pendant la Seconde Guerre Mondiale, résistant, qui protégea ses élèves juifs, illustrant ainsi au plus haut point les valeurs issues des Lumières, de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen d’août 1789, et de la République. Nous sommes finalement au cœur de vos travaux – mais aussi d’une certaine manière de ceux de Jacques Ozouf, par ailleurs neveu de Pierre Brossolette – et notamment de ceux qui viennent d’être publiés dans un Quarto Gallimard intitulé De Révolution en République les chemins de la France, qui va nourrir notre conversation… »

Compte-Rendu de l’entretien

Séance dédicaces pour Mona OzoufLa première partie de l’échange a été nourrie par Composition française (2009), livre où Mona Ozouf revient sur son enfance bretonne, et sur la question de l’identité, des identités multiples – elle qui est la fille d’un instituteur laïc et militant de la langue bretonne dans les années 1920-1930, Yann Sohier, et d’Anne Le Den, également institutrice. Elle rappelle que notre identité est multiple, « composée » de ce qui n’est pas choisi et de ce qui l’est. Est évoquée la tragédie de la mort du père alors qu’elle n’a que 4 ans : « il est là et en même temps pas là, passé derrière une porte invisible (…) Tout bascule à ce moment de la vie : car je ne reconnais pas non plus ma mère, entrée dans une dissidence muette. » Dès lors, l’école républicaine tient une place primordiale pour Mona, d’autant plus que sa mère est maîtresse d’école. Elle obtient d’ailleurs le 1er prix de français au Concours général et ensuite réussit le concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure où elle prépare et obtient l’agrégation de philosophie. Elle fait néanmoins part de son « regret tenace que me laissait l’abandon de l’enseignement des lettres au profit de la philosophie et de l’histoire a fini par s’apaiser. Je le dois pour une bonne part à Jean Daniel, qui a eu la gentillesse de m’accueillir dans les pages littéraires du Nouvel Observateur pour des contributions aujourd’hui réunies dans La cause des livres. » Mona Ozouf rappelle ses rencontres avec l’écrivain Louis Guilloux, à Saint-Brieuc, qui fût peut-être à l’origine d’un déclic en lui disant : « Tu vois, si on n’est pas capable d’écrire un roman, on peut tout de même écrire ; tu peux devenir la personne qui sait le plus de choses sur Chateaubriand. Et ce n’est pas rien. »
Il est alors question du « le bonheur gratifiant d’enseigner aux élèves ». C’était à une époque où l’on bénéficiait encore pleinement de « l’attention » des élèves si chère au philosophe Alain…  Une époque où la transmission l’emportait encore sur le besoin permanent de communication d’aujourd’hui et où la parole du maître était moins mise en concurrence… où il n’y avait pas cette nouvelle religion du tout numérique et de l’immédiateté.
Vint aussi le moment de l’engagement au Parti Communiste Français, en même temps que la fréquentation de certains amis historiens – l’historienne parle d’un engagement «étourdi », mais aussi d’une fidélité au père et d’une sécurité intellectuelle… Jusqu’à cela devienne le passé d’une illusion… pour reprendre l’expression de François Furet.
Lorsque l’on dit à Mona Ozouf qu’elle est de ces femmes de diverses générations et spécialités, qui, au 20ème siècle, ont brillé par leur magister dans une France et même une Université où les hommes tenaient encore le haut du pavé – on songe à Simone de Beauvoir, bien entendu, évoquée avec d’autres dans le livre Les mots des femmes paru chez Fayard, mais peut-être aussi à Germaine Tillion, Jacqueline de Romilly, Christiane Desroches Noblecourt, Simone Bertière, Arlette Farge, et quelques autres – elle répond n’avoir rencontré aucun problème particulier, son « féminisme » allant de soi, sans doute hérité de sa grand-mère, « forte femme » comme bien des Bretonnes d’alors. Il est précisé que Mona Ozouf a brossé de magnifiques portraits de femmes, comme Marie-Antoinette ou Madame Roland, à propos de quielle a écrit : « il y a mille destins possibles pour les femmes, mais on peut tous les vivre, et jusqu’au sien, si lugubre, dans l’exercice illimité de la pensée libre. »
Il est ensuite question des travaux de Mona Ozouf à propos de la Révolution Française et de cette idée – développée dès La Fête révolutionnaire 1789-1799 dans une perspective anthropologique avec Alphonse Dupront – selon laquelle il y aurait à travers cette période une unité et une cohérence de programme… Il y aurait même une immédiate radicalité de la Révolution, dès 1789 Il y avait une volonté de rompre avec « l’Ancien régime » qui n’attendit pas 1793, une volonté de faire « table rase », une idée de régénération, d’éliminer « le mal » (on songe à Robespierre, mais aussi à Mirabeau qui dit « nous recommençons l’histoire des hommes ». Il faut exclure les « impurs », les aristocrates. En même temps, cette volonté politique des révolutionnaires doit tenir compte de la géographie, de l’histoire, de l’habitude, des coutumes qui ont précédé 1789. Est aussi rappelée la controverse entre l’anglais Edmund Burke et l’américain Thomas Paine, le premier évoquant l’association des morts, des vivants et de ceux à naître, et le second – favorable à la Révolution bien que malmené par Robespierre – parlant de l’ « autorité usurpée des morts ». Il s’agit aussi de cela, avec la Révolution Française… Du fait aussi que la France serait une nation plus politique que culturelle… (Taine parle de « mal français »).
Après la Révolution Française, après les aléas politiques et constitutionnels du 19ème siècle, il s’est agi de mettre en place, à partir de 1870 et même plus précisément à partir de 1879, la République et même de choisir quelle forme de République. Une République, explique Mona Ozouf, « qui répare », héritière de la Révolution, mais aussi de l’Empire et finalement de tout le 19ème siècle… L’un des moyens d’affermissement de cette République – sans doute le principal – est l’Ecole, étudiée avec Jacques Ozouf dans La République des instituteurs mais aussi dans un livre consacré à Jules Ferry, la liberté et la tradition, qui restaure l’instruction obligatoire et la laïcise – Ferry est d’ailleurs membre du Grand Orient de France. Cette République et cette Ecole vont de pair. Au programme de cette école républicaine, l’histoire joue un rôle important, peut-être majeur, qui permet de réconcilier le passé et la Révolution – celle-ci servant d’ailleurs d’aune pour juger le passé, établissant des distinctions entre moments de retard dans la marche vers le progrès et bon chemin – y compris en distinguant par exemple les « bons » rois des autres…

Librairie Page et Plume partenaire de l'événementAvec Jules Michelet puis Ernest Lavisse – dont l’historienne a rédigé avec Jacques Ozouf une préface aux Souvenirs – se construit un « roman national républicain » enseigné aux petits Français, futurs citoyens – et parfois aussi futurs combattants car il faut réparer la blessure de 1870 – ; on se souvient de la phrase de Lavisse dans l’un de ses manuels : « Tu dois aimer la France, parce que la Nature l’a faite belle, et parce que l’Histoire l’a faite grande. » Mona Ozouf dit « installer la gloire et la grandeur au centre de l’école. » Et en même temps, on assiste à un assouplissement du modèle jacobin, la République s’enracinant finalement « en prenant appui sur les particularités locales », par exemple avec le Tableau géographique de la France de Vidal de La Blache, la diversité française apparaissant comme une chance… Finalement, l’identité française que l’on a parfois tenté d’instrumentaliser est un équilibre fragile entre volonté d’universalisme et attachement aux racines…

Ainsi se termine la première des Rencontres de Gay-Lussac.

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Invité de la prochaine rencontre : Michel AUCOUTURIER

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